The Dying and the Dead – Interview de Jonathan Hickman

The Dying and the dead

Jean-David Morvan : La première chose que je dois dire, c’est qu’avant même de lire ce comic, j’ai découvert son titre dans Previews, et je l’ai trouvé génial. Vraiment. Ça m’a donné très envie de savoir de quoi parlait l’histoire (et je précise que je n’ai pas été déçu, j’aime beaucoup). Pouvez-vous me dire comment vous est venu le titre ?

Jonathan Hickman : À vrai dire, cela commence à faire pas mal de temps et je ne me souviens plus très bien comment le concept et le titre nous sont venus. Ryan Bodenheim et moi discutions d’une éventuelle nouvelle collaboration. Nous avions envie de raconter le dernier tour de piste de quelques types ayant vécu la Seconde Guerre mondiale. J’entends encore Ryan évoquer un “Space Cowboys pour militaires”. Il me semble que nous venions tout juste de voir le film Le Territoire des loups. Une idée en entraînant une autre, notre histoire a évolué jusqu’à devenir celle de personnes pour le moins importantes dans les événements survenus à cette époque qui, sachant qu’il ne leur reste tout au plus que quelques années à vivre, décident de mourir dignement.

À ce stade, le titre s’est imposé à nous comme une évidence.

JDM : Quand j’ai lu le premier comics, deux choses m’ont fait penser à la bande dessinée franco-belge. En premier lieu, je trouve qu’il y a, dans The Dying and the Dead, un lien assez fort avec une de mes dix BD préférées : Les Phalanges de l’Ordre Noir, de Bilal et Christin. Si vous ne l’avez pas lue c’est l’histoire de vieux Républicains qui combattent de vieux nationalistes, quarante ans après la fin de la guerre d’Espagne, et quatre après la mort de Franco. Il y a dans ces deux récits un point de vue très fort sur la manière dont on juge son propre passé, chacun a sa manière.

En quoi était-ce important pour vous de parler de ça ?

JH : J’ai tendance à découper mes scénarios en plusieurs parties, traitant chacune d’un sujet en particulier. Je fais en sorte de répondre aux questions soulevées à travers autant de points de vue que possible. L’important n’est pas tant d’apporter des réponses fermes et définitives mais de voir où ces choix narratifs m’emmènent.

Suivant cette méthode, j’ai, à une certaine époque, écrit quelques histoires sur la mort, la nature irrévocable des choses, le chaos et le nihilisme ambiant. Quelques-unes sont devenues des comics indépendants, comme The Dying and the Dead, et d’autres ont été publiées par de grosses maisons d’édition, notamment Marvel. Le livre que vous tenez entre vos mains est probablement mon préféré, pour diverses raisons, la principale étant la réaction, très simple, des personnages confrontés à des événements auxquels ils ne peuvent rien : « Il faut bien faire avec. »

JDM : En plus du fait que le dessin me fasse parfois penser à Andreas (ce qui est pour moi un super compliment) je trouve que la narration, son rythme et les textes off qui sont parfois des réflexions sur une situation plutôt que des explications du récit pour le lecteur, rapproche votre œuvre de la bande dessinée européenne. En avez-vous eu conscience en travaillant ce récit ?

JH : À mon sens, le cœur de la narration est dû à la manière dont le récit est construit. On est assez loin du scénario américain classique. Par ailleurs, je l’ai écrit comme on le ferait pour une série TV car Ryan voulait avoir l’histoire en entier avant de la « découper » en plusieurs épisodes mensuels.

Le récit ressemble donc assez peu à ce que l’on a l’habitude de lire en comics. C’est exactement ce que nous souhaitions et nous sommes tous les deux plutôt contents du résultat.

JDM : On cause entre nous, et je me rends compte que notre lecteur ne sait peut-être pas, à part le livre qu’il tient entre ses mains, ce que vous avez fait d’autre. Alors bien sûr, les titres sont faciles à trouver : Fantastic four, The Avengers ou Secret Wars (entre autres) chez Marvel, God is dead (que j’aime beaucoup, au passage) chez Avatar, East of West, The Manhattan Project ou The Black Monday Murders (encore une fois, entre autres), chez Image, mais j’aimerais savoir comment vous, vous définiriez votre style. Plus précisément, votre « patte ». Ce qui vous anime, ce qui vous conne envie d’écrire une histoire plutôt qu’une autre, au-delà de l’histoire elle-même. Ne soyez pas modeste, nous sommes entre nous. 

The Dying and The Dead

JH : Oh… Je n’en ai aucune idée ! J’aimerais qu’il en soit différemment mais en vérité, quand un projet commence à m’ennuyer, j’arrête et je passe à autre chose qui m’intéresse davantage, sur le moment. Ces derniers temps, c’est surtout le fait d’expérimenter, qui m’attire. Quels nouveaux sujets ai-je envie d’explorer ? De quelle manière pourrais-je améliorer la narration ? Voyons ce que les autres font… et trouvons quelque chose de radicalement différent !

Je suis obsédé par l’idée de devenir meilleur dans mon domaine. À la fois dans l’écriture et dans la construction des livres afin de proposer aux lecteurs des expériences uniques.

Et puis, bien entendu, je voue un véritable culte à toute forme de graphisme et design.

JDM :  Il y a quelque chose qui intrigue toujours les lecteurs (et qui fait fantasmer les auteurs français qui aimeraient bosser aux USA), c’est le fonctionnement d’Image Comics. D’autant plus que je crois savoir que chaque auteur a une relation spéciale avec cette maison d’édition, elle-même très particulière. Pouvez-vous nous faire part de votre manière de voir Image, et de votre expérience avec cet éditeur ?

JH : Je dois ma carrière entière à Image Comics. Auparavant, je travaillais comme directeur artistique dans le domaine de la publicité. Il y a plus de dix ans déjà, j’ai envoyé un projet chez Image et l’éditeur, Eric Stephenson, l’a retenu et m’a contacté. C’était Nightly News. Depuis, tous mes comics indépendants sont publiés chez eux et cela ne changera jamais.

Au fil du temps, notre relation a évolué. Pour moi, Image Comics est bien plus qu’une simple maison d’édition : c’est le meilleur éditeur indépendant au monde. Mais je l’avoue, mon avis est loin d’être objectif.

JDM : Pour finir, la série a connu une interruption dans la parution aux USA. Mais à présent, les chapitres sortent à un rythme régulier. Elle est prévue en 10 issues, soit 2 trade paperbacks. Peut-on dire à notre lecteur français qu’il aura la suite et la fin de ce livre sous peu ?

JH : Nous espérons être en mesure de publier tous les chapitres restants pour début 2019. On croise les doigts !

JDM :  Un grand merci pour le temps pris !

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