Où retrouve-t-on Elric au début de ce nouveau tome ?
Julien Blondel : Quelque part dans les brumes hivernales des Jeunes Royaumes. Elric a quitté son palais d'Imrryr depuis un an, abandonnant son trône à son cousin Yyrkoon et laissant Cymoril seule à son désespoir. Il est devenu celui que tous appellent le “Loup Blanc”, un sorcier solitaire, redouté pour l'épée buveuse d'âmes qui est sa seule compagne désormais, même si nul ne se doute qu'il a lui-même choisi de s'imposer cet exil pour préserver la vie de sa bien-aimée... Nous avons situé les événements en hiver pour que la neige, le froid et la désolation des paysages fassent écho à la tristesse et à la solitude d'Elric.
Quelle place tient ce tome 3 dans la saga ?
Julien Blondel : Pour ceux qui connaissent bien les nouvelles et la chronologie, le tome 3 s'appuie essentiellement sur “Cap sur le présent”, dans Le Navigateur sur les mers du destin. Nous avons fait l'impasse sur les événements de La Forteresse de la Perle et de “Cap sur l'avenir”, qui explorent d'autres aspects de l'univers – si ce n'est du Multivers – et nous éloignaient trop de la grande tragédie à laquelle on s'attache, mais nous n'avons pas pu résister à l'envie d'une brève évocation du Champion Eternel dans les toutes premières pages...
C'est un album vraiment très important pour nous. Il marque une vraie rupture avec les deux premiers et développe d'autres aspects du personnage d'Elric, de ses relations complexes avec son épée noire et de son rapport au monde, à l'histoire de son peuple et à ce tiraillement intérieur entre sa nature profonde et son humanité. C'est également l'album sur lequel nous prenons le plus de risques. Certaines pistes que nous avons mis en place sur les deux premiers tomes prennent un autre éclairage, de nouveaux personnages apparaissent, d'autres se préparent pour le dénouement tragique qui clôture ce premier cycle... Nous avons beaucoup de libertés par rapport aux textes originaux, mais avec le sentiment que ces changements nous rapprochent au plus près du personnage d'Elric et de sa destinée, et qu'ils prendront toute leur ampleur dans le tome final.
Créé au début des années 1960, Elric semble rester une personnage intemporel. Comment l'expliquez-vous ?
Julien Blondel : Elric a mis une gifle à la littérature fantasy, là où d'autres se contentaient de lui mettre des coups d'épée. Dans un genre dominé par les héros, les grandes quêtes et les récits épiques, Elric est arrivé avec ses cheveux blancs, ses faiblesses, ses doutes et ses tourments – le genre de personnage qu'on imagine autant dans une pièce de Sophocle ou de Shakespeare que sur le dos d'un dragon. Il y a une flamboyance chez Elric, une dimension tragique, une sorte d'adolescence éternelle et une humanité qui l'ont tout de suite ancré comme une icone. Que ce soit dans la littérature, le cinéma ou le jeu vidéo, il n'y a qu'à voir le nombre de personnages clairement inspirés d'Elric pour se rendre de l'impact qu'il a eu – et qu'il continue d'avoir, je pense.
Adapter une saga aussi culte a représenté un véritable défi. Après les deux premiers tomes, que pensez-vous de l'accueil du public ?
Julien Blondel : Ca reste un vrai défi à chaque tome ! Je crois qu'on est tous conscients d'avoir une sorte de responsabilité, de s'attaquer à cette fameuse icône et de ne pas pouvoir en trahir certains aspects. Le lien émotionnel avec le personnage est très fort chez les lecteurs, notamment chez ceux qui l'ont découvert comme nous à l'adolescence et qui ont également joué aux jeux de rôles dans l'univers d'Elric. Je pense qu'on nous pardonnerait de toucher à l'univers, de modifier l'histoire, d'adapter certaines scènes aux besoins de notre vision pour la bande dessinée, mais pas d'égratigner l'aura du personnage. Et pour le moment, j'ai l'impression que les lecteurs nous font plutôt confiance, peut-être parce qu'ils sentent que l'attachement est bien réel chez nous aussi ? Il y a aussi beaucoup de lecteurs qui ne connaissaient que vaguement le nom d'Elric et qui l'ont découvert via la bande dessinée. Sans parler des retours vraiment touchants que les fans de la saga nous font lors des rencontres ou sur notre page Facebook, ou de toutes les gentillesses que Michael a pu dire ou écrire sur la série, je crois que notre plus grande fierté est de pouvoir faire découvrir Elric à certains de donner envie de lire (ou de relire) les romans d'origine.
Pouvez-vous déjà nous dire quand sortira le prochain tome ?
Julien Blondel : On est dessus ! La date de parution n'est pas encore fixée pour le tome 4, mais l'histoire est calée depuis le tout premier tome et on sait où on va, avec l'ami Jean-Luc. On va faire notre possible pour le boucler l'an prochain et limiter l'attente entre les deux albums, mais c'est la conclusion du cycle et on ne peut pas se permettre de se rater...