Archangel : le premier comics du maître de la science-fiction, William Gibson

William Gibson est un écrivain américain de science-fiction et l’un des leaders du mouvement cyberpunk. On lui doit deux sagas devenues des classiques du genre, La Trilogie de la Conurb (dont le premier tome, Neuromancien, s’est bien vite rangé parmi les classiques du genre et a été le premier ouvrage à recevoir les trois prix littéraires majeurs de science-fiction : le prix Nebula, le prix Hugo et le prix Philip K. Dick.) et La Trilogie du pont, ainsi qu’une dizaine d’autres recueils de nouvelles et romans.
Aux États-Unis, Archangel est sorti chez Image Comics au printemps 2016. Cette mini-série en cinq chapitres, dessinée par Butch Guice, dépeint un monde post-apocalyptique. La terre est devenue un enfer radioactif. Son salut repose sur une mystérieuse machine contrôlée par le gouvernement, le Splitter, capable de générer des futurs alternatifs à explorer et à contrôler.
Selon vous, pourquoi tant d’œuvres de fiction s’intéressent d’aussi près à l’effondrement de la civilisation ? Pourquoi tant de dystopies racontées dans la pop culture ?
William Gibson : Hélas, il se pourrait bien que la pop culture essaie de nous faire passer un message. Plus sérieusement : quand avez-vous lu ou entendu pour la dernière fois l’expression « 22ème siècle » ? Personne ne l’utilise jamais. C’est très inquiétant. Souvenez-vous de la fréquence avec laquelle le 21ème siècle a été évoqué dans la culture populaire pendant, disons, les années 1920.
Pour vous, c’est inquiétant parce que les gens sont si pessimistes qu’ils ne peuvent même pas imaginer un avenir ?
William Gibson : Eh bien, je me le demande. Pour le moment, la raison m’échappe.
À votre avis, pourquoi l’homme crée-t-il tant d’histoires dans lesquelles la fin du monde est toujours évitée de justesse, à la toute dernière seconde avant la catastrophe ?
William Gibson : La fin du monde est un raccourci universel pour tout ce que nous ne voulons pas voir arriver. En tant qu’individus, nous avons très peu de contrôle sur les choses, en vérité. Repousser la fin du monde n’est que l’expression d’un besoin de sécurité et de maîtrise de notre existence et du monde.
Quel sombre avenir craignez-vous le plus ? Une dystopie totalitaire ? Un monde ravagé et désertique ? Le chaos d’une nouvelle guerre mondiale ?
William Gibson : Je n’envisage pas ces trois états isolément. Il est tout à fait possible d’avoir les trois à la fois.
Quel élément vous est venu en premier et vous a décidé à créer Archangel ? Un personnage ? Un concept narratif ? Une ambiance, ou bien une simple image ?
William Gibson : Michael St. John Smith, qui a conçu l’univers avec moi, connaissait un producteur allemand, au Canada. Il avait entendu parler d’un autre producteur de télévision allemand qui songeait à y faire une mini-série sur la Seconde Guerre mondiale. Nous avons proposé un concept de « soucoupes volantes nazies », ce qu’ils n’ont pas du tout apprécié. Puis, j’ai repensé à cette fameuse histoire d’armes révolutionnaires conçues par la Luftwaffe et à toute la mythologie qui les entoure. À partir de là, nous avons écrit le scénario d’un long-métrage, qui est finalement devenu notre roman graphique.
Considérez-vous que la Seconde Guerre mondiale ait été une apocalypse ? Nous la voyons comme une victoire, mais rien dans l’histoire humaine n’a encore égalé le niveau de dévastation atteint. Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui est-il donc post-apocalyptique ?
William Gibson : Je suppose que c’est une question de perspective. De bien des manières, la Seconde Guerre mondiale a été le moteur du changement et a engendré la plus grande partie du monde dans lequel nous vivons. Mais traditionnellement, dans notre culture, l’apocalypse a été imaginée comme un événement unique, une destruction à court terme. En ce sens, je ne pense pas qu’un événement qui aboutisse à 70 ans de bien-être socio-économique sans précédent, pour des millions de personnes puisse être considéré comme une apocalypse. Malgré tout, pour les moins chanceux, cette période a été une véritable apocalypse…