Comme je le soulignais, le réalisme de cette histoire est une composante primordiale pour moi. Aussi, j’ai été particulièrement heureux quand le roman a été sélectionné dans les recommandations de lecture d’Ariane Group, le leader européen des lanceurs spatiaux.
Pour ce qui est du thriller, l’écriture sous forme de script avec alternance de focale a impulsé un rythme frénétique à mon récit. La latence de communication, augmentant à mesure que le vaisseau s’éloigne de la Terre, a rajouté un ressort dramatique supplémentaire. Sous les ors de la téléréalité, le programme Genesis devient vite une lutte acharnée pour la survie. Le format BD accentue encore la nervosité de ce découpage.
Enfin, la romance : c’est là que les personnages prennent toute leur dimension, c’est le pendant humain, intime et vibrant de cette mission archi-technologique. Une fois que je me mets à écrire, les personnages prennent leur autonomie. C’est particulièrement vrai pour l’aspect romantique de Phobos – ici, il ne s’agit pas du cerveau, mais du cœur ! J’avais bien sûr au préalable une idée des couples qui se formeraient à bord du vaisseau spatial, mais les prétendantes et les prétendants ont déjoué tous mes pronostics ; ils m’ont vraiment bluffé. Devant leurs choix, leurs coups de génies et leurs terribles erreurs, j’étais aussi accro qu’un spectateur de la chaîne Genesis – au final, je me suis énormément attaché à eux.
Quelles influences ont nourri la création de cette série ?
J’avais en tête de nombreuses références cinématographiques qui mettent en scène la confrontation de l’être humain avec le cosmos. Je pense en particulier à 2001, L’Odyssée de l’Espace, Gravity et Interstellar. Plus récemment, j’ai été subjugué par High Life et Ad Astra des œuvres qui mettent en abyme l’infini de l’espace et l’infini du mystère de la nature humaine. En termes de série TV, j’ai été marqué par le souci de réalisme apporté à The Expanse.
Je me suis beaucoup documenté sur le site de la Nasa et j’ai lu un certain nombre d’essais sur les conditions pratiques de la colonisation martienne. Parmi mes lectures préparatoires, je recommande en particulier les très distrayants essais Packing for Mars de Mary Roach et How to Live on Mars de Robert Zubrin.
Enfin, pour les inspirations graphiques, il faut que je parle de ce coup de cœur BD que j’ai eu à l’adolescence pour la série Valérian, qui m’a donné pour toujours le goût de l’espace ! Les magnifiques planches de Philippe Druillet (Lone Sloane) ont continué de nourrir cette rêverie cosmique. Plus récemment, j’ai dévoré la série Saga, qui comme Phobos utilise la science-fiction spatiale pour parler des questions et tensions qui traversent notre société
Vous avez vécu dans de nombreux pays. Votre vie itinérante a-t-elle été une source d’inspiration pour Phobos ?
Je pense qu’un auteur se nourrit toujours de ce qu’il a vécu, ou de ce qu’il a lu – ce qui au fond est la même chose, car la lecture est une autre vie par procuration ! En ce qui me concerne, mes voyages et les différents pays où j’ai habité alimentent certainement mon inspiration.
Je crois que l’habitude de voyager avec mes parents m’a donné le goût des ailleurs. Depuis, je cultive ce goût à travers les différents pays où j’ai habité (Irlande, France, Singapour, Denver puis New York et Washington aux États-Unis), essayant de m’imprégner à chaque fois de l’endroit où je vis. Mais c’est aussi et surtout dans les livres que j’assouvis ce besoin d’évasion, depuis tout petit.
Je me suis servi de mon expérience américaine pour peindre la partie terrestre de Phobos, qui se déroule largement aux États-Unis. J’ai ainsi mis en scène des endroits que je connais bien : non seulement les villes où j’ai vécu, mais aussi Miami et le Midwest.
Je me suis enfin inspiré en partie de certains de mes amis pour plusieurs personnages, comme Fangfang la Singapourienne, Tao le Chinois et Safia l’Indienne.
En plus d’être l’une des deux lunes de Mars, Phobos est aussi l’incarnation de la peur panique dans la mythologie grecque. Est-ce un choix délibéré ?
Mars, le dieu de la guerre des Anciens, a en effet eu deux fils qui l’accompagnent sur les champs de bataille : Phobos, la peur, et Deimos, la terreur. Ce sont aussi les noms des deux lunes de la planète Mars.
Ce mot a donné le terme phobie dans notre langue : la crainte angoissante et injustifiée d'une situation, d'un objet ou d’une personne.
Phobos s’est vite imposé comme le titre pour mon histoire, car c’est un son qui claque ! Il est promesse de mystère, de danger.
Et il résonne très bien avec l’aspect thriller de cette épopée.
Au cours du voyage et une fois sur Mars, mes héros auront à affronter toutes les peurs.
- La Claustrophobie – la peur des espaces confinés – comme par exemple à l’intérieur d’une minuscule fusée.
- La Nyctophobie – la peur du noir – comme par exemple le noir infini de l’espace.
- La Blemmophobie – la peur du regard des autres.
- L’Autophobie – la peur de finir seul.
- La Phobophobie – la peur d’avoir peur, tout simplement, surtout quand on sait que toute fuite est impossible.
Mais c’est justement en surmontant ses peurs qu’on parvient à grandir et à écrire son destin !