>>>> Entre Terrarium, Luca, vétérinaire draconique et Devenir enfin moi-même, vous faites le grand écart entre SF, fantasy et genre autobiographique. Vous adaptez aussi votre style graphique. Comment jonglez-vous d’un projet à un autre ? Travaillez-vous sur plusieurs projets en même temps ? Comment organisez-vous vos journées de travail ?
YH : La seule fois où j'ai sérialisé plusieurs œuvres en même temps, c'était à l’époque de Terrarium. Je divisais les mois pour travailler 15 jours sur chaque titre. Sinon, même s’il m’arrive d’avoir quelques projets en coulisses, je concentre tous mes efforts sur mes œuvres en cours de sérialisation. Mon planning quotidien est très simple :
Je me réveille > Je dessine des mangas > Je mange > Je dessine des mangas > Je prends un bain > Je dessine des mangas > Je me couche.
Je répète ce programme 365 jours par an, avec un peu d’administratif de temps en temps (rires). Mais comme à ce rythme, ça devient de plus en plus sale chez moi et que ma pharmacie se vide, je dois ajouter "faire le ménage" et "aller chez le médecin" quelque part. Puis, environ une fois toutes les deux semaines / un mois, je peux prévoir de jouer à un jeu vidéo pendant 1h ou 2h, et une fois ou deux par an, j’essaie d’aller au cinéma. Jusqu’à la fin de Terrarium, je vivais seule donc je ne faisais presque rien d’autre. À la fin de ce titre, je suis retournée chez mes parents pour des raisons familiales, et je vis désormais avec ma mère, ma sœur et un chien. Donc j’ai beaucoup moins de tâches ménagères ! Mais depuis que j’ai dépassé la trentaine, j’ai tendance à avoir des lumbagos et à grossir à force de rester immobile, donc j’essaie de sortir promener le chien avec ma mère avant de commencer le travail.
>>>>> Luca, vétérinaire draconique et Devenir enfin moi-même sont publiés chez Kodansha, quelle est la différence avec vos précédentes expériences éditoriales ? Travaillez-vous seule ou avec des assistants ?
YH : Pour commencer par le nombre d’assistants, il y a actuellement une personne à temps complet pour m’aider. Une deuxième personne avec qui je travaillais fin 2023 intervient toujours, mais de façon ponctuelle, pour s’adapter à des impératifs horaires.
Concernant l'historique de publication de chaque œuvre, il se trouve que juste après la fin de la sérialisation de Devenir enfin moi-même ma responsable éditoriale de l'époque est tombée enceinte et est partie en congé maternité. Un nouveau responsable est arrivé mais nous avons eu du mal à avancer ensemble et finalement un an est passé sans réussir à concrétiser un nouveau projet. Le responsable a alors changé de département éditorial, et le rédacteur en chef de l’époque ne lui a pas désigné de successeur. C’était une situation frustrante mais j’ai dû accepter mes lacunes et aller de l’avant. Je suis ensuite allée faire le tour des éditeurs avec mon livre Devenir enfin moi-même et Yoken teigi ("Définition des exigences" en français) un one-shot préquel de Terrarium réalisé avant que mon ancienne responsable parte en congé maternité, et quelques autres storyboards et concepts graphiques de projets qui avaient été rejetés précédemment. Après plusieurs péripéties, un éditeur du magazine Comic Meteor a aimé le visuel qui présentait Chico et Pino ainsi que le storyboard d’une histoire montrant l’arrêt d’un robot infirmier appelé Naver (qui deviendra par la suite le premier chapitre de Terrarium), et c’est là que nous avons décidé de créer ensemble le manga Terrarium. Cette œuvre a fait l’objet d’une publication sérialisée et en tomes, mais comme Devenir enfin-moi-même était un manga autobiographique avec un public totalement différent et qu’il datait un peu, j’ai recommencé en tant qu’autrice presque inconnue. Cependant, Terrarium a reçu de très bonnes critiques de la part des libraires et beaucoup ont recommandé mon manga malgré le fait que je n’étais pas une autrice avec une grande carrière. Des éditeurs de Kodansha, ainsi qu’un éditeur qui travaillait à l’époque dans une autre maison d’édition ont remarqué cette série, et j’ai pu créer Luca, vétérinaire draconique. Évidemment, Glénat fait partie des contributeurs !