Interview de Yuna Hirasawa | Luca, vétérinaire draconique

En 2024, Yuna Hirasawa, l'autrice de Terrarium (4 tomes, série terminée), revient au catalogue Glénat Manga avec Devenir enfin moi-même, un one-shot autobiographique, et une toute nouvelle série fantasy : Luca, vétérinaire draconique

L'INTERVIEW DE YUNA HIRASAWA

> Luca, vétérinaire draconique est un manga de fantasy, qui rappelle beaucoup l’univers des Animaux Fantastiques. Quelles sont vos influences et les œuvres qui ont pu vous inspirer ?
Yuna Hirasawa : Comme il s’agit d’un manga se passant au sein d'une "école fantastique", la saga Harry Potter a été une importante référence au niveau de la mise en scène. Cette inspiration se ressent dans la façon dont les wagons des trains sont compartimentés, du fait que l’école soit un château et abrite des dortoirs, dans le design des pages inter-chapitres qui rappellent les manuels scolaires, et les imprimés sur lesquels griffonnent les personnages.

Aussi, même si les personnages principaux du manga sont des adolescents, je me base surtout sur mes années d’université pour parler de la vie scolaire, car au Japon la majorité des lycéens sont externes (même si évidemment, il existe quelques établissements avec internats). Toutefois, je n'ai jamais étudié dans une école de médecine ou dans une école vétérinaire, donc je m’inspire d’interviews et de recherches pour représenter ces éléments.  

>> La fantasy a longtemps été un genre plutôt masculin, mais dans Luca, vétérinaire draconique, on ressent une vraie mise en avant et une affection pour les personnages féminins, leurs combats intérieurs, etc. ? Pourquoi ce choix ?
YH : C’est vrai que lorsqu’on parle de récits fantastiques, on pense souvent à des mangas de combat qui mettent en scène des héros dotés de pouvoirs surnaturels. Mais en réalité, il existe de nombreuses œuvres fantastiques, notamment des success stories basées sur le mythe de Cendrillon, qui s’adressent à un public féminin. En ce sens, je n’ai pas l’impression que le fantastique soit un genre masculin.

Néanmoins, si vous me demandez pourquoi j’ai choisi de faire un manga fantastique qui n’est ni un récit de combat, ni une histoire à la Cendrillon, c’est pour me permettre d’aborder via mon travail des thématiques plus profondes. Dans un récit de combat, les lecteurs vont attendre des batailles exaltantes, dans un récit à la Cendrillon, des histoires d’amour passionnées. Et aucun autre élément ne doit venir interférer. Mais dans notre cas, la fiction médicale peut permettre dès le début de sensibiliser les lecteurs à l’importance de la vie.     

 

YH : Et, bien que Luca, vétérinaire draconique puisse être décrit en un mot comme une fiction médicale dans laquelle les protagonistes soignent des dragons, le traitement de ces créatures malades ou blessées ne sont que des objectifs à court terme pour les héroïnes, afin de les faire évoluer. À ce stade, les personnages sont encore trop inexpérimentés pour que le médical soit le thème principal de l’histoire. Dans ce manga, je ne voulais pas raconter une histoire dans laquelle les protagonistes sauvent des vies grâce à leurs compétences hors du commun, mais comment elles vont apprendre à travailler ensemble en tant que débutantes. C’est pour cette raison qu’un monde avec une école de médecine fantastique me semblait être un cadre idéal. 

J’ai aligné là mes arguments… mais en amont de cette réflexion, il existe dans l’esprit collectif l’idée que tous les garçons veulent être Superman ou un Power Ranger, et les filles veulent être Cendrillon. Pour ma part, j’aime bien être à contre-courant, et je préfère donc éviter de proposer un manga shonen avec des combats pour les garçons, ou un manga shojo avec de la romance pour les filles. Il n’y a en effet aucun mal à ce que les garçons n’aiment pas la baston, tout comme j’ai le sentiment que les filles n’accordent pas plus d’importance à l’amour romantique, qu'à l’amitié et la vie scolaire (ou le travail).

 

>>> La relation entre les dragons et les humains est très importante dans l’histoire. Cette thématique fait écho à Terrarium, qui est aussi une fable écologique. Est-ce que le rapport entre l’humanité et les animaux/la nature est un sujet qui vous tient particulièrement à cœur ?
YH : En réalité, avant Luca, vétérinaire draconique, je souhaitais créer un manga fantastique complètement différent. Il s’agissait d’une histoire d’amour entre une sorcière qui vivait depuis très longtemps, et un humain doté de pouvoirs magiques. Mais cela n’a pas du tout, mais alors pas du tout, convaincu mon responsable éditorial ! (rires)
Lorsque qu’il a rejeté ce projet de sorcière, il m’a expliqué les points forts de
Terrarium mais aussi le fait que les thèmes philosophiques abordés dans l’histoire pouvaient donner aux lecteurs l’impression d’un manga parfois difficile à comprendre. Il m’a donc demandé de réfléchir à 4-5 nouveaux projets à lui soumettre sur des sujets semblables, mais en les abordant de façon plus compréhensible (mon responsable éditorial souhaitait si possible que ce soit accessible pour des adolescents). Les thématiques que j’ai choisi de raconter dans Terrarium me tiennent vraiment à cœur et j’y suis très attachée, mais c’est aussi pour répondre à ce défi lancé par mon éditeur que j’ai décidé de les reprendre ici.  

À la fin du manga Terrarium, je n’ai pu consacrer qu’une ou deux cases pour aborder la notion d’utilitarisme, mais j’ai pu lui accorder beaucoup plus de place dans Luca, vétérinaire draconique. Si vous avez eu l’occasion de lire Terrarium, de vous intéresser aux thématiques abordées, et que vous souhaitez continuer à creuser sur ces sujets avec moi, je vous invite à lire ma nouvelle série !  (& entre nous… je n’ai pas abandonné l’histoire de la sorcière !)

    
Terrarium
(4 tomes, série terminée) - Luca, vétérinaire draconique (série en cours, tome 1 le 17 avril)


>>>> Entre Terrarium, Luca, vétérinaire draconique et Devenir enfin moi-même, vous faites le grand écart entre SF, fantasy et genre autobiographique. Vous adaptez aussi votre style graphique. Comment jonglez-vous d’un projet à un autre ? Travaillez-vous sur plusieurs projets en même temps ? Comment organisez-vous vos journées de travail ?
YH : La seule fois où j'ai sérialisé plusieurs œuvres en même temps, c'était à l’époque de Terrarium. Je divisais les mois pour travailler 15 jours sur chaque titre. Sinon, même s’il m’arrive d’avoir quelques projets en coulisses, je concentre tous mes efforts sur mes œuvres en cours de sérialisation. Mon planning quotidien est très simple :
Je me réveille > Je dessine des mangas > Je mange > Je dessine des mangas > Je prends un bain > Je dessine des mangas > Je me couche.  

Je répète ce programme 365 jours par an, avec un peu d’administratif de temps en temps (rires). Mais comme à ce rythme, ça devient de plus en plus sale chez moi et que ma pharmacie se vide, je dois ajouter "faire le ménage" et "aller chez le médecin" quelque part. Puis, environ une fois toutes les deux semaines / un mois, je peux prévoir de jouer à un jeu vidéo pendant 1h ou 2h, et une fois ou deux par an, j’essaie d’aller au cinéma. Jusqu’à la fin de Terrarium, je vivais seule donc je ne faisais presque rien d’autre. À la fin de ce titre, je suis retournée chez mes parents pour des raisons familiales, et je vis désormais avec ma mère, ma sœur et un chien. Donc j’ai beaucoup moins de tâches ménagères ! Mais depuis que j’ai dépassé la trentaine, j’ai tendance à avoir des lumbagos et à grossir à force de rester immobile, donc j’essaie de sortir promener le chien avec ma mère avant de commencer le travail.

>>>>> Luca, vétérinaire draconique et Devenir enfin moi-même sont publiés chez Kodansha, quelle est la différence avec vos précédentes expériences éditoriales ? Travaillez-vous seule ou avec des assistants ? 
YH : Pour commencer par le nombre d’assistants, il y a actuellement une personne à temps complet pour m’aider. Une deuxième personne avec qui je travaillais fin 2023 intervient toujours, mais de façon ponctuelle, pour s’adapter à des impératifs horaires.
Concernant l'historique de publication de chaque œuvre, il se trouve que juste après la fin de la sérialisation de
Devenir enfin moi-même ma responsable éditoriale de l'époque est tombée enceinte et est partie en congé maternité. Un nouveau responsable est arrivé mais nous avons eu du mal à avancer ensemble et finalement un an est passé sans réussir à concrétiser un nouveau projet. Le responsable a alors changé de département éditorial, et le rédacteur en chef de l’époque ne lui a pas désigné de successeur. C’était une situation frustrante mais j’ai dû accepter mes lacunes et aller de l’avant. Je suis ensuite allée faire le tour des éditeurs avec mon livre Devenir enfin moi-même et Yoken teigi ("Définition des exigences" en français) un one-shot préquel de Terrarium réalisé avant que mon ancienne responsable parte en congé maternité, et quelques autres storyboards et concepts graphiques de projets qui avaient été rejetés précédemment. Après plusieurs péripéties, un éditeur du magazine Comic Meteor a aimé le visuel qui présentait Chico et Pino ainsi que le storyboard d’une histoire montrant l’arrêt d’un robot infirmier appelé Naver (qui deviendra par la suite le premier chapitre de Terrarium), et c’est là que nous avons décidé de créer ensemble le manga Terrarium. Cette œuvre a fait l’objet d’une publication sérialisée et en tomes, mais comme Devenir enfin-moi-même était un manga autobiographique avec un public totalement différent et qu’il datait un peu, j’ai recommencé en tant qu’autrice presque inconnue. Cependant, Terrarium a reçu de très bonnes critiques de la part des libraires et beaucoup ont recommandé mon manga malgré le fait que je n’étais pas une autrice avec une grande carrière. Des éditeurs de Kodansha, ainsi qu’un éditeur qui travaillait à l’époque dans une autre maison d’édition ont remarqué cette série, et j’ai pu créer Luca, vétérinaire draconique. Évidemment, Glénat fait partie des contributeurs !


Merci à Yuna Hirasawa d'avoir répondu à toutes nos questions ! 


 


LUCA, VÉTÉRINAIRE DRACONIQUE - L'HISTOIRE

Les vétérinaires draconiques soignent des créatures de formes extrêmement diverses appelées “dragons”. Luca rêve de pratiquer ce métier afin de suivre les traces de son père, qui était vétérinaire draconique des armées. Avec l'aide de Chloé et de Gilla, ses camarades de promotion à l'institut supérieur des sciences draconiques de Kogniel, où elles sont formées en tant qu'assistantes vétérinaires, Luca soigne les dragons qui souffrent avec tant de passion qu'elle se dispute parfois avec son entourage ! 
Après Terrarium et ses vaisseaux à l'abandon, Yuna Hirasawa plonge dans un univers tout aussi onirique, la fantasy en plus. Une école, des dragons, des rivalités sans oublier le destin d'un parent disparu… La jeune Luca, vétérinaire draconique vous invite à un voyage d'écailles et de brise !

Tome 1 le 17 avril en librairie ! Et rendez-vous sur Glénat Manga Max, une semaine avant la sortie du titre, pour y découvrir gratuitement le chapitre 1 !

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