Interview d'Olivier Cogne, directeur éditorial de L'Alpe

Olivier Cogne est directeur du Musée dauphinois (direction de la culture et du patrimoine du Département de l’Isère) et à ce titre directeur éditorial de la revue trimestrielle L’Alpe, fondée il y a plus de 20 ans, qui s’appuie sur un partenariat historique entre le musée et l’éditeur. L’Alpe propose à chaque numéro un regard neuf sur le patrimoine alpin et sa diversité culturelle. Avec une iconographie de grande qualité, un regard toujours inédit et (im)pertinent, chaque numéro est construit autour d’un dossier central dont le sujet est décrypté par les meilleurs spécialistes.


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Comment voyez-vous votre rôle au sein de l’équipe de L’Alpe ? Qu’attendez-vous de cette collaboration et comment travaillez-vous à la préparation de chaque numéro ?

J’ai la chance en effet d’avoir pu rejoindre cette équipe au moment de ma nomination à la direction du Musée dauphinois en novembre 2016. Je suis admiratif du travail accompli par celles et ceux qui ont fait la réputation de cette revue qui constitue un formidable vecteur pour découvrir la richesse culturelle de l’arc alpin. Je n’ai pas connu André Pitte qui a joué un rôle déterminant dans cette aventure aux côtés bien sûr de Jacques Glénat et de l’équipe de rédaction de L’Alpe, constituée à l’origine de Pascal Kober et de Dominique Vulliamy. Je connais bien en revanche Jean Guibal, mon prédécesseur au Musée dauphinois, avec lequel j’ai partagé de nombreux projets culturels, qui compte parmi les pionniers de la revue. Nous en assumons tous deux la direction éditoriale. L’équipe de rédaction pilotée désormais par Sophie Boizard, assistée d’Audrey Passagia, accomplit un travail considérable pour la rédaction, le lien avec les auteurs, la recherche iconographique, la veille permanente sur les sujets qui pourraient intégrer la revue.

En tant que directeur éditorial, notre rôle est de faire remonter des thèmes qui nous semblent avoir leur place dans L’Alpe, des ouvrages et des articles en rapport, mais il faut souvent trouver l’auteur en face d’un sujet… Cette réflexion est véritablement partagée et dans une ambiance extrêmement conviviale et bienveillante. Il est particulièrement stimulant de pouvoir cogiter sur les thèmes qui vont constituer le dossier central de la revue. L’espace alpin constitue à ce titre une réserve inépuisable d’idées. Je fais ici une analogie avec les sujets d’exposition que nous choisissons d’aborder au Musée dauphinois, mais dont la préparation s’échelonne généralement sur deux bonnes années quand la revue est trimestrielle ! Je tente de mettre à profit mon expérience et ma formation d’historien au service de la revue, et un réseau de contacts dans le monde muséal en particulier. À l’inverse, j’ai aussi découvert de nombreux travaux ou fait la connaissance de personnes ressources grâce à L’Alpe, dont l’apport est évident pour le Musée dauphinois.

L’équipe partage une ambition commune pour développer des liens avec l’ensemble de l’arc alpin. Nous souhaitons ainsi travailler davantage avec les Alpes germanophones, mais aussi la Slovénie. Nous nous appuyons notamment pour cela sur un conseil scientifique véritablement européen, appelé à être encore élargi dans les années qui viennent. L’Alpe peut s’appuyer également sur l’expérience d’Isabelle Fortis, en charge de la direction Livres de Glénat, mais aussi sur celles d’Aurore Belluard et de Marianne Fabre, dont le rôle est aussi essentiel pour la construction de numéros en partenariat qui permettent de faire un focus sur tel ou tel territoire de l’espace alpin.  
 
Vous allez ouvrir le 4 juin prochain une exposition consacrée aux refuges, pouvez-vous nous en dire plus sur l’exposition et sur le numéro de L’Alpe qui l’accompagne ?

Nous sommes particulièrement heureux de pouvoir présenter enfin cette exposition après les deux mois de confinement que nous avons connus. Ce travail devait être inauguré le 24 mars dernier. Nous achevons le chantier de cette exposition pour l’ouvrir en effet le 4 juin prochain. Ce projet est né d’une initiative portée par l’École nationale supérieure d’architecture de Grenoble (ENSAG), le service Patrimoines et Inventaire général de la Région Auvergne Rhône-Alpes et le Musée dauphinois. Il est le fruit d’une recherche pilotée au sein de l’ENSAG par Jean-François Lyon-Caen et d’une campagne photographique réalisée par la Région et destinée à documenter les refuges des Alpes françaises. Outre l’exposition, ce matériau va aboutir à la production d’un livre d’ici à quelques mois qui devrait constituer une véritable référence scientifique sur le sujet.

Il nous paraissait important de pouvoir marquer le lancement de l’exposition par une publication destinée à un large public. L’Alpe est apparue comme toute désignée avec un thème qui n’avait pas encore été abordé comme dossier central. Le sommaire de la revue est très proche du contenu de l’exposition avec des auteurs qui ont été les principaux conseillers de ce projet : Jean-François Lyon-Caen bien sûr, qui a accepté d’évoquer les refuges à travers le temps en tant que laboratoire architectural ; Philippe Bourdeau, professeur à l’Institut d’urbanisme et de géographie alpine de l’université Grenoble-Alpes, qui aborde quant à lui l’évolution de leurs usages ; Félicie Fougère revient pour sa part sur la campagne photographique conduite par la Région ; quant à Jean Guibal et à Agnès Jonquères, chargée de projets culturels au Musée dauphinois et commissaire de cette exposition, ce sont les coauteurs du texte introductif qui fait la genèse sur l’histoire des refuges alpins sans ignorer évidemment les enjeux contemporains liés à notre relation à la montagne. Et bien d’autres textes encore.

Constitué de nombreux objets, documents, peintures, et servi par une scénographie originale, le parcours de l’exposition devrait réjouir les pratiquants de la montagne comme les non-initiés. Les visiteurs pourront notamment découvrir la reconstitution en taille réelle du premier refuge de l’Aigle réalisé par des apprentis Compagnons du Tour de France dans le cadre d’un chantier école. Dans les jardins du musée, c’est une autre surprise qui attend les visiteurs : le refuge Tonneau qu’avaient imaginé Charlotte Perriand et Pierre Jeanneret à la fin des années 1930. Il s’agit d’une réplique contemporaine que l’on doit au prêt exceptionnel de l’association Le Refuge Tonneau Perriand-Jeanneret. L’exposition comme la revue reviennent ainsi sur une histoire déjà longue, depuis les premiers abris fréquentés par les alpinistes jusqu’aux constructions les plus modernes et dans une époque où les usages de la montagne ont passablement évolué. Les préoccupations environnementales ne sont bien sûr pas absentes de cette évocation.

Votre musée a pu ouvrir le 18 mai dernier, racontez-nous vos retrouvailles avec le public !

C’est un vrai bonheur de retrouver le public dans les espaces du musée ainsi que dans les jardins, très appréciés de nos visiteurs. C’est plus largement l’ensemble des musées du Département de l’Isère qui ont rouvert leurs portes et dont on ne dira jamais assez qu’ils sont gratuits !
Nous avons dû renoncer dans le contexte du confinement à de nombreux événements que nous allons nous employer à reporter autant que possible pour tenir nos engagements vis-à-vis du public, mais aussi vis-à-vis de nos partenaires. Nous nous languissions aussi de pouvoir montrer enfin le résultat de notre travail sur ce thème des refuges qui semble recueillir un vif intérêt, en témoignent les nombreuses questions posées sur la date d’ouverture de cette exposition. C’est de bon augure. Avec une recommandation toutefois à l’intention de nos visiteurs et qui ne vous surprendra pas, celle de venir masqués !

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