Interview d'Eddy Vaccaro (Les Gueules rouges)

Qu'est-ce qui vous a donné envie de dessiner Les Gueules rouges ?

J'ai tout de suite accroché au scénario parce qu'il faisait résonner en moi les westerns de mon enfance. Et puis j'ai aimé découvrir le milieu des mineurs du Nord que je ne connaissais absolument pas. Je me suis aussi attaché au personnage de Gervais, le jeune mineur de douze ans, ainsi qu'à White Eagle et Setting Sun, les deux Sioux Lakotas dont il devient l'ami. Enfin, il y avait cette énigme policière à résoudre suite au meurtre sauvage dont, comme dans tout bon western, les Indiens sont accusés à tort !

On vous connaît en particulier pour vos albums au crayon, en noir et blanc, avec un style assez touffu, comme récemment Mobutu dans l'espace. Pourquoi avoir choisi l'aquarelle pour Les Gueules rouges ?

Tout simplement pour me confronter à une technique différente ! On a souvent tendance à croire qu'un dessinateur de BD ne peut ou ne souhaite s'exprimer que dans un seul style, alors qu'il dispose souvent d'une palette plus large qui lui permet de varier les plaisirs et de s'adapter aux différents univers qu'il aborde. L'aquarelle, c'était pour moi un défi parce que je ne l'avais pas pratiquée depuis longtemps. Il a fallu que je m'y remette, avec un peu d'appréhension je l'avoue, mais j'ai vite retrouvé mes marques.

L'histoire des Gueules rouges repose sur la rencontre de deux univers, celui du western avec les Indiens de Buffalo Bill et celui des mineurs du Nord de la France. Comment avez-vous abordé graphiquement cette rencontre ?

La question pouvait se poser d'opter pour un découpage qui fasse résolument référence au western, mais je n'ai pas voulu que ce projet soit pour moi un exercice de style comme c'était le cas pour Le Club du suicide. J'ai préféré travaillé au feeling en découpant et en cadrant comme je le fais habituellement. Vous êtes un pur Marseillais.

Cela vous a-t-il posé des problèmes pour dépeindre des gens et des décors du Nord qui ne vous sont pas du tout familiers ?

Contrairement à certains dessinateurs, mon approche n'est pas du tout réaliste. J'essaie plutôt de capter des ambiances sans m'attacher aux détails. Et avec l'imprécision de l'aquarelle, cette approche impressionniste est encore plus marquée. Donc non, ce n'était pas un gros problème. Il m'a suffi de m'appuyer sur l'abondante documentation que m'a fournie J. M., en la complétant par mes propres recherches.

La plupart de vos albums ont des résonances sociales, voire politiques. Est-ce un choix délibéré ?

J'ai une sensiblilté humaniste et comme je n'écris pas mes histoires, j'essaye de trouver des scénaristes qui la partagent. Lorsqu'on s'intéresse à l'humain, le social et la politique ne sont jamais loin. Mais cela dit, j'ai aussi dans mes cartons des projets très différents qui attendent juste qu'un éditeur soit preneur !

Quels sont les artistes qui vous ont le plus influencé ?

En bande dessinée, mes influences sont très italiennes. J'aime beaucoup Gipi et Manuele Fior, ce qui se sent un peu dans mon dessin, et aussi Hugo Pratt, même si ça se remarque moins. Mais je m'inspire autant de la peinture que de la bande dessinée, avec une prédilection particulière pour Turner, Gauguin et Félix Valloton.

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